REPORTAGE.
Des citoyens financent une centrale hydroélectrique
Pascale LE
GARREC. – Le 7 août 2022
Source : REPORTAGE.
Des citoyens financent une centrale hydroélectrique (msn.com)
Dans
la Sarthe, à Sceaux-sur-Huisne, un ancien moulin produit de l’électricité grâce
à la force de l’eau. Une toute petite production, initiée et supervisée par des
particuliers. Troisième volet de notre série.
Plus
d’un siècle qu’on n’y moud plus le blé et bien plus longtemps encore qu’on n’y
forge plus rien. À Sceaux-sur-Huisne, le moulin de La
Rochette daterait d’avant 1789. Il a traversé le temps et
l’histoire, conservant un charme bucolique apaisant. Dans la campagne de cette
commune sarthoise de moins de 600 habitants, le site vient pourtant de
reprendre du service. Depuis le 23 mars 2021, il fournit de l’électricité grâce
à la force de l’eau, renouant avec l’activité hydroélectrique qu’il
a exercée de 1917 jusqu’en 1970.
José Mendez, 53 ans,
nous présente avec une certaine fierté la petite centrale flambant neuve qui a
remplacé l’ancienne installation désaffectée. Professeur de mathématiques,
ex-ingénieur en satellites, il a supervisé le projet, représentant les
centaines de particuliers qui ont mis en commun leurs économies pour que le
site voit le jour.
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© Alice Mouchard, Ouest-France L’ancienne centrale hydroélectrique désaffectée à partir de 1970 a été transformée en garage par les actuels propriétaires du moulin. |
Car
la particularité de cette « microcentrale » est d’être un « projet citoyen »,
entièrement financée par des citoyens, à travers la société SO
Énergies. José Mendez préside cette Société par actions simplifiées (SAS),
créée en 2016 pour construire et exploiter le site de La Rochette et un
deuxième projet au Bourray, à une quinzaine de kilomètres de là.
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© Alice Mouchard, Ouest-France Le ruisseau de contournement permet aux poissons de passer à côté de la centrale hydroélectrique. Les pierres les aident à remonter le cours d’eau. |
«
Limitant les atteintes à l’environnement »
Alors
que les installations hydroélectriques sont souvent critiquées pour leur impact
sur la biodiversité, José Mendez tient à montrer l’aménagement réalisé pour
permettre aux poissons de remonter le cours d’eau, en empruntant un ruisseau
qui contourne l’installation. On a construit une passe à enrochement avec des
pierres pour qu’ils puissent passer et frayer, ce qui n’était pas possible
depuis des décennies. On voulait rétablir un équilibre
écologique, explique-t-il. L’objectif ici est de produire de l’électricité
renouvelable en limitant les atteintes à l’environnement, car l’eau est un bien
public.
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© Alice Mouchard, Ouest-France José Mendez, président de SO Énergies, devant le tableau de bord de la centrale hydroélectrique de la Rochette, entièrement automatisée. |
Derrière SO Énergies, deux structures portées et financées par des citoyens et spécialisées dans le renouvelable : le réseau Énergie Partagée et la coopérative ErCiSol (https://www.ercisol.fr/). Il y a aussi treize particuliers, dont José Mendez, qui ont apporté chacun de 6000 à 100 000 €, soit un quart du budget total de la centrale de La Rochette (1,4 million d’euros dont 400 000 € pour la turbine).
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© Alice Mouchard, Ouest-France Une deuxième centrale hydroélectrique financée par des citoyens est prévue ici, derrière, la papeterie de Saint-Mars-la-Brière (Sarthe). |
Lui
s’est facilement laissé convaincre depuis qu’en 2013, il est tombé sur une
communication d’Énergie partagée intimant : « Plutôt que d’investir
dans un Livret A, placez votre argent dans nos projets d’énergie renouvelable…
» L’autonomie énergétique, la production locale, sont des thèmes qui
m’intéressent depuis le lycée » , précise-t-il. La suite, la
présidence de SO Énergies qu’on lui confie, la centrale de La Rochette qui se
concrétise, il la présente comme un alignement de planètes » et insiste
sur « l’aventure humaine. On devine un gros investissement personnel.
Quand je prends une décision, je pense aux citoyens qui sont derrière, j’ai une
responsabilité.
Lire
aussi les autres articles de notre série :
ENTRETIEN.
Marc Mossalgue, d’Energie partagée, le réseau qui aide les projets d’énergie
citoyenne
REPORTAGE. Dans le Morbihan, le
pari réussi des premières éoliennes citoyennes
La
production de La Rochette atteint en moyenne 800 mégawatts heure par an.
L’équivalent de la consommation de 250 à 300 foyers (hors chauffage). Une
goutte d’eau à l’échelle du pays, mais intéressante pour le territoire, surtout
dans un contexte « de problèmes énergétiques ». Il
détaille : « L’électricité produite est revendue à EDF pendant vingt
ans, environ 10,31 centimes du kWh en été, 19 centimes en hiver. »
«
On a un idéal mais on cherche aussi une rentabilité »
Sous
le bâtiment qui abrite l’installation, la turbine tourne au ralenti. Un débit
de 5 m3 relevé sur le tableau de bord. La production n’est
aujourd’hui que 46 kilowatts heure contre 160 les jours de gros débit. Faute
de pluies, l’année 2022 s’annonce moins prometteuse que prévu.
Mais
pour José Mendez, la rentabilité ne fait aucun doute. Les
citoyens-investisseurs ont un idéal mais ils sont aussi pragmatiques et
cherchent aussi la rentabilité. Investir dans une centrale hydroélectrique, ce
n’est jamais à perte. Il y a des demandes pour racheter des centrales de toute
l’Europe », assure le président de SO Énergies qui déplore une
méconnaissance générale de l’énergie hydroélectrique.
La
centrale du Bourray devrait produire 950 mégawatts heure par an, l’équivalent
de la consommation de près de 300 foyers. José Mendez et les autres
investisseurs espèrent qu’elle entrera en fonctionnement d’ici un à deux ans.
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