vendredi 23 avril 2021

Electricité propre



 

Copier-coller de l'article de Médiapart du 31 mars 2021.

Impossible d'insérer les photos ?

22 mai 2021, le problème d'insertion photos semble résolu !

(Historiques divers surchargés)


Lien photo ci-contre :
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Electricité propre, citoyenne et éthique en circuit court dans le Lot | Portfolios | Mediapart

Médiapart 31 mars 2021

Electricité propre, citoyenne et éthique en circuit court dans le Lot

31 MARS 2021 PAR PATRICK ARTINIAN

 

Un circuit court citoyen et éthique de l’énergie, c’est ce qu’a lancé CéléWatt, une coopérative (SCIC) du Lot qui produit de l’électricité locale à l’usage des villageois dans deux petits parcs solaires, à Brengues (215 habitants) et Carayac (94 habitants). Bertrand Delpeuch, l’un des fondateurs et actuel président de la SCIC, espère à terme constituer une grappe de 5 ou 6 petits parcs. L’installation de ces parcs n’a suscité que peu d’opposition. La recette ? Impliquer la population dans le projet, la SCIC CéléWatt compte désormais plus de 500 sociétaires, majoritairement des habitants de la région.


1)    Parc solaire citoyen de Carayac, Lot, 5 mars 2021. Une énergie citoyenne produite localement pour une consommation locale, c’est peut-être la forme d’énergie de demain, au moins pour les campagnes et les petites villes. Les deux parcs solaires de Brengues et Carayac ont une capacité de 250 kWc [kilowatt-crête – ndlr], maximum autorisé par la loi sans demande de permis de construire. Avec les progrès rapides de la technologie des cellules photovoltaïques, on pourrait facilement atteindre les 350 kWc en occupant une superficie identique, ce qui rendrait les parcs plus facilement rentables. Si les installations solaires en toiture bénéficient d’un achat garanti par l’État, les parcs solaires au sol ne bénéficient d’aucun soutien, et si le projet est viable, c’est grâce à la collaboration d’Enercoop qui accepte d’acheter l’électricité à un tarif plus élevé que le tarif du marché (10 centimes le kWh dans le premier parc, 7 centimes dans le second, le prix du marché avoisinant les 5 centimes).


2)   
Parc solaire citoyen de Carayac, Lot, 5 mars 2021. Dans le parc de Carayac, afin de restreindre au maximum l’empreinte carbone, pour soutenir les panneaux photovoltaïques, les concepteurs ont choisi d’utiliser des chênes du Quercy bruts au lieu d’une infrastructure métallique classique. Ces arbres de la région, qui peinent à pousser sur le sol rocailleux du causse, ont développé une écorce résistante, et leur seule utilité, à part flamber dans la cheminée, est de servir de piquet pour l’élevage de moules en Charente-Maritime. Afin de ne pas artificialiser les sols, ces troncs reposent sur des petites structures métalliques plantées dans la terre. Pas un seul centimètre carré de béton. Ainsi, si d’aventure on décidait d’arrêter la production d’électricité, tout serait réversible, la nature reprendrait ses pleins droits sur l’espace sans aucune trace de l’activité.

Bertrand Delpeuch, 65 ans, président de CéléWatt, agronome de formation et haut fonctionnaire européen, est installé dans le Lot depuis sept ans.


Lien photo 3

3)   
Carayac, Lot, 5 mars 2021. Inverser la verticalité, c’est la recette du succès de CéléWatt. « Quand on a démarré le projet Céléwatt, se souvient Bertrand Delpeuch, on n’a pas suscité un grand intérêt au niveau des élus locaux. Un projet, c’est quelque chose qui est lancé par des élus avec leur service technique et de plus en plus une batterie de consultants. C’est motivant de montrer qu’il y a un potentiel d’initiative au niveau des habitants, la population doit globalement prendre conscience de toutes ces possibilités. » Aujourd’hui, des élus du département, de la région, et même de plus loin, mais aussi des agents territoriaux, des ingénieurs, des techniciens, des étudiants, défilent régulièrement entre les panneaux photovoltaïques des deux petits parcs de Carayac et Brengues.




4)   

Depuis la crise du Covid, ce « tourisme industriel » a ralenti mais il reste vivace. « On est “open source” pour partager notre expérience. Seule condition, la partager avec des collectivités territoriales ou des projets citoyens, ce n’est pas notre rôle de former des sociétés commerciales », reprend-il.


Ci-dessous : Trois jours plus tard, rebelote, nouvelle visite du parc de Carayac. « Quand des groupes viennent visiter le parc, ils nous disent “Vous avez un potentiel humain terrible dans la région”, indique Bertrand Delpeuch. Je réponds non, regardez autour de vous, vous n’avez pas un ou deux retraités d’EDF et un jeune capable de monter un site Web ? En fait, on se rend compte qu’il y a partout un potentiel de gens qui souhaitent mener des actions qui ont du sens. »

5)    Carayac, Lot, 8 mars 2021. Agnès Langevine, vice-présidente EELV de la région Occitanie chargé de la transition écologique, et Vincent Labarthe, président du Grand-Figeac, visitent le parc de Carayac. Si le projet a pu prendre pied, c’est grâce au coup de pouce de la région qui a ajouté au pot à raison d’un euro de subvention pour chaque euro investi par les sociétaires lors du démarrage du projet.

6)   
Carayac, Lot, 8 mars 2021. C’est Olivier Saintignan, 35 ans, de Mecojit, une entreprise locale qui installe des panneaux solaires, qui a mis en œuvre la réalisation de l’infrastructure du second parc de CéléWatt avec des troncs de bois brut. Cet ingénieur en organisation industrielle est passé par la construction aéronautique avant d’entamer un tour du monde de trois ans. Il en tirera quelques leçons ; par exemple qu’un même problème peut trouver deux solutions radicalement opposées ici et à l’autre bout du monde et que ça marchera tout aussi bien. « Quand je suis rentré de ce voyage de trois ans, de 2012 à 2015, l’écologie m’a semblé une évidence », et s’il n’est pas foncièrement opposé au nucléaire, « j’ai compris que ce n’est pas une solution d’avenir ». Il rejoint alors Mecojit car là, au moins, il a l’occasion de faire du concret, de construire de ses mains, et se plaît à citer cette maxime affichée dans une auberge du nord de l’Argentine : « La différence entre ce que l’on est et ce que l’on voudrait être, c’est ce que l’on fait. » Alors, lorsque les gens de CéléWatt expriment le souhait de construire leur parc solaire avec des troncs de chêne bruts, ni traités, ni égalisés, plutôt que de leur claquer la porte au nez, il répond « pourquoi pas », fabrique un prototype, le soumet. Accepté, le parc de Carayac sera construit selon ce modèle.

« Pour moi, l’idée même de penser que pendant des milliers d’années, des gens vont devoir faire attention, creuser des trous pour gérer des déchets parce que dans les années 1900 et quelques, quelque part en France, on a décidé de faire du nucléaire, pour moi, c’est une idée extrêmement pesante, 
évoque Bertrand Delpeuch. Engager la vie ou la mort de ces personnes, en dehors même de tous les accidents possibles, je trouve ça éthiquement très difficile à accepter. »

Lien photo 7
https://drive.google.com/file/d/1-MdrUkGZJGcO7jARzSazuRCz5b-Mw-xI/view?usp=sharing

7)   
Carayac, Lot, 8 mars 2021. Timothée Hervé, directrice générale bénévole de la coopérative, est particulièrement vigilante sur les enjeux de transmission. « CéléWatt est un projet sur le long terme et on partage l’information au maximum. On souhaite que personne ne soit indispensable car il faut perpétuer l’entreprise. Par exemple, on a contractualisé un entretien des supports bois du parc de Carayac avec l’entreprise qui a effectué le montage afin de s’assurer que tout fonctionnera durant au moins 25 ans, le temps du contrat avec Enercoop. »

8)   
Carayac, Lot, 9 mars 2021. Parc solaire citoyen de Carayac dans le Lot. Le fait que les lanceurs du projet résident sur place fut un argument déterminant pour l’acceptation des parcs solaires par la population. « En étant coopératif, les habitants savent qu’on ne s’en met pas “plein les poches”, ce qui a aussi contribué à l’acceptation du projet », remarque Bertrand Delpeuch. Les parcs ne sont pas très grands, on essaie, sinon de les cacher, au moins d’en limiter la vision en laissant pousser des haies aux alentours.

Lien photo 9
https://drive.google.com/file/d/10SHWf0ti_CHsluzyLjHHQqrBATW2E7oR/view?usp=sharing

9)   
Espagnac-Sainte-Eulalie, Lot, 5 mars 2021. Réunion de sociétaires de CéléWatt. « On a eu moins d’opposition que ce que l’on pensait, se souvient Bertrand Delpeuch. On a organisé des réunions le soir dans des petites communes pour présenter le projet, s’il y avait 12 personnes sur cent habitants, c’était un très grand succès, on a aussi expliqué le projet en tenant des stands lors des fêtes et des évènements locaux, on a ainsi créé un lien. Aujourd’hui, on compte plus de 500 sociétaires, généralement locaux. On a refusé de faire une levée de fonds mais on a dit aux gens : “Vous avez un compte à la Caisse d’épargne qui ne vous rapporte presque rien et vous ne savez pas à quoi sert votre argent. En prenant des parts chez CéléWatt, on s’engage à un rendement de 0 % ou un peu plus, ce n’est pas beaucoup mais c’est comparable à ce que vous avez sur votre livret de Caisse d’épargne et au moins vous savez à quoi l’argent va servir. On a un contrat financier avec Enercoop pour 25 ans, c’est du solide. Vous voyez les panneaux, c’est du matériel, du concret.” Cet aspect a beaucoup compté dans la manière dont on a présenté le projet. Et puis, on habite ici, on rencontre les gens sur le marché, ils peuvent nous questionner et on peut leur répondre facilement. »

Lien photo 10
https://drive.google.com/file/d/1wL-3ijQMNE0GVNfi27z7JIyYoHkRLsNL/view?usp=sharing

10)
Brengues, Lot, 6 mars 2021. Jean-Luc Vallet, 75 ans, en est à son second mandat de maire de Brengues, 215 habitants. Cet ancien médecin-psychiatre, un des lanceurs du projet, a fourni le terrain caillouteux, sans valeur agricole, qui commençait à se transformer en décharge sauvage en périphérie de sa commune, pour monter le premier parc de CéléWatt. Opposant de toujours au nucléaire, proche des mouvances alternatives, il a encouragé l’initiative citoyenne, selon le principe qu’« une coopérative, c’est un homme égal à une voix », et a apprécié le lien social créé sur sa commune : « Si un développeur extérieur avait initié le projet, l’acceptation de la population aurait été moins évidente. » Dans la foulée du parc solaire, il décide de faire couvrir le toit du hangar municipal de capteurs solaires. « L’expérience m’a apporté une certaine expertise dans le photovoltaïque. J’ai pu décrypter et discuter et, aujourd’hui, la commune produit plus d’électricité qu’elle n’en consomme, nous sommes devenus une commune à énergie positive. » Autre avantage, le « tourisme industriel » sur le parc solaire apporte quelques clients à la boulangerie-restaurant du village.

Lien photo 11
https://drive.google.com/file/d/1K4cSA5lV5FmbeZa5nMIrRtR66QjLuTmm/view?usp=sharing


11) Saint-Sulpice, Lot, 8 mars 2021. « La musique, c’est mon travail, le droit, c’est ma passion », s’amuse Timothée Hervé, 33 ans, violoniste, qui a monté avec son compagnon, le guitariste Jean-Christophe Bernard, le groupe de musique Baldango qui se produisait dans la région au temps où les groupes se produisaient encore. Profitant de cette longue période de disette scénique, ils enregistrent un nouvel album et Timothée pratique sa passion, le droit, qu’elle exerce au profit de CéléWatt dont elle est directrice générale bénévole. Après sept ans chez EDF à Paris comme juriste en droit de l’environnement, elle a décidé de prendre le large. Avec son compagnon, ils emménagent une fourgonnette et se lancent sur les routes, un périple de six mois entre Lot et Drôme en quête d’un endroit où se poser. Ce sera le Lot, Saint-Sulpice, dans la vallée du Célé, principalement pour la beauté du paysage et « la bienveillance des Lotois dans l’accueil de l’autre », cette même bienveillance « qui a permis au projet CéléWatt de s’implanter et de se développer assez facilement ». Elle conserve un souvenir réservé de sa période EDF durant laquelle elle a approché l’énergie nucléaire. « Tout n’est pas noir, il y a aussi des personnes sensibles à l’environnement chez EDF. » Mais clairement, pour elle, « le nucléaire n’est pas une énergie d’avenir. Trop cher, trop compliqué », et bien qu’elle ait quasi divisé son salaire par deux, celle qui est désormais une intermittente du spectacle ne regrette en rien sa vie d’avant.

Lien photo 12
https://drive.google.com/file/d/12tFqhcG4d_e-lhw2XuDKLR18RxPj8Qj0/view?usp=sharing


12) Brengues, Lot, 9 mars 2021. François Breil, 55 ans, a repris l’entreprise familiale de menuiserie et l’a fait prospérer. Il est aussi premier adjoint à la mairie de Brengues et vice-président de la chambre des métiers du Lot. Pour lui, « l’écologie va dans le bon sens lorsqu’on implique et respecte la population. Ce sont des petits parcs, s’ils avaient couvert trente hectares chacun, ç’aurait été différent. Ici, les gens sont dans leur univers, si on change tout d’un coup, ce n’est pas très bien accepté dans les campagnes ». Et lorsqu’on lui demande s’il est sociétaire de la SCIC : « Je n’ai pas pris le temps ». Avant de conclure : « Dans le bâtiment, on n’a pas encore cette culture de la coopérative. »

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